Des affaires qui périclitent
Face à la concurrence espagnole et à la chute des cours des métaux, les frères Dufourg doivent se rendre à l'évidence. L'exploitation des mines qu'ils ont réouvertes n'est plus rentable et il faut y mettre fin. Les travaux sont arrêtés à Saint-Hippolyte-du-Fort, à Vieux-Vy et au Huelgoat en 1930, puis à Mayres et Trémuson en janvier 1931. Les fonderies de plomb de Saint-Brieuc continuent encore à fonctionner, mais avec du minerai importé d'Espagne.
C'est aussi en janvier 1931 que Léon Le Gallo, l'ingénieur chargé de la direction des travaux à Pont-Péan, notifie à Jean Dufourg qu'il juge la conjoncture inopportune pour l'ouverture d'un nouveau chantier.
L'Ouest-Éclair- 20 février 1932
2 mars 1931 : début du dénoyage au puits de la République.
En avril 1933, les maisons de la cité sont adjugées pour 130.000 F aux consorts Moquet (Auguste, expert-foncier de Guipry), Chrétien (François et Alphonse, de Guipry) et Ricci (Leopoldi, de Messac), qui commencent à les revendre séparément. Le 15 juin, la concession, les terrains et les installations de surface sont acquis pour 251.000 F par Émile-Albert Marion au nom d'une société en formation, la Compagnie des Mines de l'Ouest.
L'affaire des mines de Pont-Péan
À l'issue de l'enquête qui prend fin en décembre 1933, le juge d'instruction de Saint-Brieuc prononce une ordonnance de renvoi de Jean Dufourg devant le tribunal correctionnel. Le procès se tient en mars 1934. Il met en lumière une escroquerie à grande échelle. Les maisons "ouvrières" avaient servi de leurre pour appâter les petits épargnants. Des démarcheurs pressants leur faisaient visiter la nouvelle cité en autocars pour les inciter à souscrire ensuite des actions. Parfois même, en présence de "portefeuilles récalcitrants", Jean Dufourg intervenait personnellement. Sur quarante millions de francs ainsi drainés, seuls seize à dix-huit millions avaient été utilisés à Pont-Péan. Les capitaux avaient surtout servi de fonds de banque au profit des Métalliques Françaises (Métalfra) et des Fonderies de plomb de Saint-Brieuc, les autres sociétés dont Jean Dufourg était administrateur. Ils avaient aussi servi de masse de manœuvre pour des opérations spéculatives. De plus, les retenues prélevées sur les salaires de Pont-Péan avaient été détournées : près de quarante-huit mille francs destinés à la Caisse Autonome de Retraite des Ouvriers Mineurs avaient été versés dans la caisse de la société.
Des détournements de cotisations avaient déjà été constatés dès 1922 aux mines de Saint-Hippolyte-du-Fort, exploitées par Augustin Dufourg qui, comme directeur des Métalliques Françaises, avait aussi été poursuivi en août 1931 par le Parquet de la Seine, sur plainte de la Caisse Autonome.
Le 15 mars 1934, le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc déclare Jean Dufourg coupable d'infraction aux lois sur les sociétés, d'escroquerie et d'abus de confiance. Il le condamne à quatre ans de prison ferme et à trois mille francs d'amende. Le 12 juillet 1934, le jugement est confirmé par la cour d'appel de Rennes.
Les travaux sont suspendus le jour même et la mine est à nouveau noyée. Le 22 juillet 1932, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc prononce la faillite de la société. Rien d'autre que de l'eau n'aura été extrait du sous-sol, le grand lotissement de la lande de Teslé ne deviendra jamais une cité de mineurs et les paquets d'actions de la Société Bretonne d'Études Minières et d'Exploitation des Mines de Pontpéan ne seront plus désormais que des tas de papier sans valeur. Les dirigeants, qui avaient pourtant clamé que "leur compétence était un gage qu'aucune faute de gestion ne serait commise", sont maintenant taxés d'imprévoyance ou d'optimisme exagéré. Et, sur la plainte d'actionnaires, le juge d'instruction de Saint-Brieuc ouvre une information judiciaire.
La première pierre d'une nouvelle laverie de minerai est posée le 13 juin 1931. L'abbé Esnault, recteur de Saint-Erblon, donne sa bénédiction en présence de Jean Dufourg et de ses frères : Augustin, directeur général des mines exploitées en Bretagne et Aimé, directeur des gisements exploités par le groupe dans les Cévennes…
Au bout d'un an, la mine est dénoyée jusqu'à la cote 261,80 m. Le dénoyage est brusquement interrompu en 1932, quand la Compagnie du Bourbonnais décide de couper le courant en raison de retards dans les paiements. L'annonce de la coupure au matin du 19 février entraîne la remontée précipitée du matériel et un accident mortel. Fernand Roulland, chef de service, dirige une équipe de deux ouvriers chargée de remonter une pompe électrique du fond du puits du Midi. Un glissement du câble d'alimentation et d'un collier qu'ils viennent de déboulonner provoque la rupture du plancher sur lequel ils travaillent. Les ouvriers, Pierre Gauthier et Léopold Bergeron, parviennent à s'accrocher au câble, mais Fernand Roulland fait une chute de 260 mètres dans le puits.
C'est Eugène Delahaye, le directeur de La Province, qui signe l'article. Après une visite de la mine en compagnie de Jean Dufourg, il s'enthousiasme :
« Je me mets à la place de ceux qui depuis plus de deux années ont décidé de faire revivre Pontpéan et de créer un centre merveilleux de floraison industrielle, de ceux qui pendant deux années, sans le crier sur les toits, sans tam tam, sans bluff, ont avancé des capitaux énormes, ont tout préparé, tout prévu, tout acheté, tout monté, qui ont amené ainsi jour par jour la possibilité, que dis-je ! la certitude du succès, et qui ont assisté, par la seule pression d'un bouton électrique, à ce miracle admirable de la résurrection d'une mine endormie sous l'eau depuis vingt-sept ans. »
Un an de dénoyage
Paradoxalement, les frères Dufourg déclarent pourtant le moment particulièrement favorable pour une reprise immédiate de l'exploitation de Pont-Péan. Et, en mai, Jean Dufourg demande même la mutation des mines de plomb argentifère de Surtainville, dans la Manche, au profit de la Société Bretonne d'Études Minières et d'Exploitation des Mines de Pontpéan. Mais la mutation, qui aurait pu être prétexte à une nouvelle augmentation de capital, lui est refusée par décret du 13 août 1931.
À Pont-Péan, les premiers essais de pompes électriques, alimentées par le courant de la compagnie rennaise du Bourbonnais, ont lieu le 23 février 1931. Le dénoyage commence une semaine plus tard, le lundi 2 mars. L'hebdomadaire La Province titre bientôt, à la une de son édition du 18 au 25 mars, "Les Mines de Pontpéan ressuscitent". Et l'une des photos illustrant l'article aurait été prise "au moment précis où le premier des quatre cent mille mètres cubes d'eau a été évacué", une eau canalisée jusqu'à la Seiche.
Pendant trois ans, de Saint-Brieuc à Coutances et même à Paris, les petits épargnants sont sollicités par des démarcheurs pressants qui leur font miroiter des "avantages substantiels" dans un avenir très proche. Les émissions d'actions, de bons et d'obligations portent le capital de la société à quarante millions de francs.