La tour à plomb de Couëron
Une tour de 69 mètres de haut se dresse encore au bord de la Loire, à Couëron. C'est l'unique tour à plomb de France qui n'ait pas été détruite. Elle servait à confectionner de la grenaille pour la chasse. Un alliage de plomb, d'arsenic et d'antimoine était préparé au rez-de-chaussée et refondu en haut de la tour. Le métal liquide était alors tamisé à travers un crible et tombait en gouttelettes qui se solidifiaient dans un grand réservoir d'eau, au bas de la tour. Ce procédé permettait d'obtenir des grains de plomb de chasse parfaitement sphériques.
La tour a cessé son activité en 1957 et a été classée monument historique en 1993.
La métallurgie du plomb à Couëron
L'Association française pour l'avancement des sciences visite l'usine en 1875.
"C'est encore sur un des bateaux à vapeur de Nantes que, dès le matin du 24 août, nous nous rendons à Couëron en descendant le cours de la Loire. Nous débarquons pour visiter l'usine métallurgique qui se trouve dans cette localité.
En pénétrant dans la cour de l'établissement on voit les masses de minerais de plomb qui vont être traités. Ce sont des fragments de galène (sulfure de plomb) qui paraissent d'une remarquable pureté. Le minerai est d'abord pulvérisé, puis il est grillé et chauffé dans les fours destinés à la méthode par réaction qui s'applique aux galènes peu siliceuses et riches en plomb. Cette méthode est fondée sur l'action réciproque qu'exercent entre eux l'oxyde, le sulfure et le sulfate de plomb. Le minerai est d'abord grillé, ses éléments sont attaqués par l'oxygène de l'air et il se transforme en partie en oxyde et en sulfate de plomb. Cela fait, on ferme les portes du fourneau, on chauffe ainsi en vase clos et, après un bon coup de feu, le plomb est mis en liberté et s'écoule à l'état métallique.
Le plomb ainsi produit renferme de petites quantités d'argent que l'on sépare par deux opérations successives, l'affinage par cristallisation et la coupellation. Après avoir vu le métal couler des fours à réaction dans des lingotières, nous passons dans une autre partie de l'usine, où il est fondu dans une série de bassines hémisphériques. On le laisse refroidir lentement, en le brassant constamment avec une grande spatule de fer. Une partie du métal se solidifie, sous forme d'un magma cristallin que l'on sépare. Cette partie solide ne contient que des traces d'argent, aussi le métal qui reste dans le vase en renferme-t-il des quantités de plus en plus considérables.
Le plomb ainsi enrichi en métal précieux est soumis à la coupellation, c'est à dire chauffé au contact de l'air, dans une grande coupelle à paroi poreuse. Le plomb, comme on le sait, s'oxyde dans cette opération au contact de l'oxygène. Il s'écoule sous forme de litharge. L'argent, qui n'est pas directement oxydable, finit par rester seul dans la coupelle, allié au plus à un-seizième de son poids de plomb. L'oxyde de plomb qui s'est écoulé du fourneau à coupellation est réduit par le charbon et donne du plomb métallique…"
Des débuts contrariés par l'abolition des droits sur les plombs étrangers
L'un des visiteurs de 1875 évoque les difficultés liées aux traités de commerce du Second Empire.
"Les membres [de l'Association française pour l'avancement des sciences] furent reçus au débarquement par le maire de Couëron et les propriétaires de l'usine, MM. Bontoux [Paul] et Taylor [Richard], qui conduisirent les excursionnistes et leur firent parcourir successivement les diverses phases du traitement des minerais de plomb argentifère…
L'usine a été construite en 1860 ; et 1861 a été sa première année de travail. — Elle a été conçue et bâtie à une époque où les plombs étrangers étaient frappés d'un droit de 60 Francs à leur entrée en France, par tonne de 1.000 kg. — Les minerais au contraire ne payaient pas de droit. — Il était donc naturel d'aller chercher des minerais de plomb à l'étranger pour les fondre en France et y vendre le plomb qu'on en retirerait. — On était assuré d'un large bénéfice.
Mais à peine l'usine était-elle allumée que les traités de commerce de l'Empire furent conclus et les droits sur les plombs étrangers d'abord réduits de moitié, puis entièrement abolis en 1863. — Les plombs étrangers se précipitèrent sur le marché français et toutes les fonderies françaises qui s'alimentaient auparavant de minerais étrangers éteignirent leurs fours et liquidèrent leurs opérations. — Couëron seul résista à ce bouleversement de tous les calculs qui avaient amené sa création et, grâce à des méthodes de travail perfectionnées, non seulement vécut, mais prospéra et se développa…"
Le contexte reste cependant difficile pour la métallurgie et la Compagnie des mines de Pontgibaud absorbe l'usine de Couëron en 1878, l'année où se termine la construction de la "Tour à plomb".
Des records de production
1895 : la fonderie de Couëron, avec sa tour à plomb de chasse, compte sept cents employés. C'est la plus grande usine à plomb de France.
1897 : les mines de Pont-Péan emploient un millier de personnes et fournissent 80 % du minerai de plomb produit dans le pays.
La galène traitée à Couëron arrive par chalands de Pont-Péan, et par cargos de Sardaigne et d'Espagne.
Le traitement de la galène à Couëron