Jean Pierre Cudennec  -  Pont-Péan au fil du temps  -  Tous droits réservés (site déposé auprès de Copyright France)
Au bord de l'ancienne route de Nantes à Rennes, un café à l'abandon a longtemps porté l'enseigne
"À L'ESPÉRANCE". Il n'était pas situé à la Chaussairie, mais entre Chartres-de-Bretagne et Rennes.
III
 
L’anniversaire du jour de la naissance du Christ était proche, et la Rose et son fiancé avaient décidé qu’ils iraient à Rennes, la veille de Noël, pour acheter les atours de mariés, et qu’ils resteraient à la messe de minuit, pour revenir ensuite réveillonner à la ferme.
C’est aussi à cette époque que l’on paye les fermages. Or, Pierre Sauvage devait aller le même jour porter à son maître le prix du loyer de sa métairie. Son intention n’était point de passer la vesprée à Rennes ; mais, comme le marquis de Lalleu était à chasser en forêt, force lui fut d’attendre son retour.
Le marquis ne rentra que fort avant dans la nuit. Comme il aimait son métayer pour son savoir et ses connaissances des choses de la terre, il l’engagea à souper avec ses domestiques et à les accompagner ensuite à la messe.
Pierre accepta. Mais le pauvre gars ne supposait point faire la rencontre de son infidèle. L’église, pour fêter cette solennité, était éblouissante de clarté ; des lumières innombrables l’éclairaient mieux que n’aurait pu le faire le soleil du bon Dieu.
Pierre ne tarda pas à distinguer près de lui la Rose, plus occupée de sa toilette que de ses prières. De temps à autre elle s’entretenait à demi-voix avec son fiancé.
Le malheureux délaissé ne put supporter un pareil spectacle. Toutes ses douleurs passées se ravivèrent ; toutes ses peines, tous ses chagrins lui revinrent au cœur, et il se vit obligé de sortir promptement de l’église pour étouffer les sanglots qui l’oppressaient.
Ne voulant pas rester davantage à Rennes, de crainte de la rencontrer, il s’orienta de son mieux dans la nuit noire, et ne tarda pas à trouver le chemin de son village.
 
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IV
 
Il n’avançait pas vite. Comme je l’ai dit plus haut, la grande route n’était pas faite ; il existait seulement un vilain petit chemin creux, rempli de gros cailloux qui le faisaient trébucher à chaque pas.
Enfoncé, pour ainsi dire perdu dans ses tristes réflexions, il marchait tout de même, s’arrêtant seulement pour essuyer son front couvert de sueur, bien que la froidure fût excessive et que la neige commençât à tomber.
Arrivé en face de la ferme de Bréquigny, qui est à une lieue de Rennes, comme vous le savez, il entendit chevaucher derrière lui.
Bientôt des propos joyeux et des éclats de rire parvinrent distinctement à ses oreilles, et la douce voix de Rosette le tira de sa torpeur.
C’étaient en effet les fiancés qui revenaient à cheval, accompagnés de leurs parents et de leurs amis.
Pour ne pas être reconnu, Pierre monta rapidement la côte, afin de distancer la cavalcade ; mais il réfléchit qu’elle l’aurait promptement rattrapé, et, avisant à sa droite, près d’une carrière abandonnée et pleine d’eau, d’énormes roseaux et des broussailles épaisses, il s’y cacha pour se dérober aux yeux des passants.
À peine y fut-il entré, que les voix et les rires se firent entendre de nouveau. Les voix, confuses et vagues d’abord au tournant du chemin, devinrent dans un instant distinctes, claires et faciles à saisir.
Rosette disait, en parlant du cheval qu’elle montait :
« Bijou n’avance point ce soir ; je crois bien qu’il n’a eu ni à manger ni à boire depuis ce matin chez ces voleurs d’aubergistes. Heureusement que nous voici près d’une mare où il va pouvoir se désaltérer. »
Et, tout en caressant la bête de la main et de la parole, elle la dirigea vers la carrière abandonnée.
La lune qui, à ce moment, se montrait entre deux nuages, éclaira subitement la figure de la jeune fille, et Pierre Sauvage crut remarquer qu’elle l’avait aperçu, car son regard était fixé sur la broussaille où il était blotti. Il voulut s’enfoncer plus avant dans les ronces, mais son pied glissa sur l’herbe glacée, et il tomba lourdement sur le sol.
Ce bruit, à deux pas du cheval, effraya l’animal, qui avança subitement et roula dans l’abîme, entraînant sa maîtresse.
Ceci se passa en moins de temps que je n’en ai mis à vous le raconter.
Un homme, déchiré par les épines, se dressa soudain, semblable à un fantôme, et plongea dans la carrière. Il y resta longtemps, laissant dans l’anxiété les malheureux parents de Rose, qui se lamentaient.
Il reparut enfin, mais seul ! Des cris sortaient de sa poitrine. Mutilé par les pierres, sanglant, affreux, couvert de boue, désespéré, cet homme était effrayant à voir ! Trois fois il recommença ses périlleuses recherches, et trois fois reparut seul à la surface de l’eau.
Bientôt épuisé, n’en pouvant plus, anéanti, brisé, il resta étendu sur la berge, sans mouvement et sans vie.
Pendant ce temps-là, Jean Jumel s’était contenté d’appeler du secours et d’aller en chercher dans les fermes voisines ; mais tout fut inutile. On ne parvint pas à retrouver le corps de la pauvre Rose, et, chose plus étonnante encore, il n’a jamais été retrouvé depuis.
Lorsque les premiers rayons du jour éclairèrent cette scène, tout était rentré dans le silence. Les parents de la fiancée avaient été emmenés par des amis, et l’homme souillé de boue avait disparu.
À partir de ce moment, l’on ne revit jamais Pierre Sauvage, ni dans le bourg de Chanteloup, ni ailleurs. Que devint-il ? voilà ce qu’on ignore.
Des voyageurs anuités par les chemins affirment cependant avoir entendu des sanglots près de la mare profonde ; il y en a même qui ont vu un homme en prière sur le bord ; mais personne n’a pu assurer que ce fût Pierre Sauvage.
Depuis ce terrible événement, cette carrière s’appelle la Mare à la Fiancée, près de laquelle s’élève une croix qui a été élevée par les gens de la défunte. Pas un chrétien ne passe là désormais sans faire un signe de croix pour le soulagement des âmes du purgatoire. Il en faut encore beaucoup, paraît-il, puisque chaque année la noyée vient prier les fidèles de la délivrer par leurs prières. Ceci vous sera affirmé par tous les rouliers et autres qui sont passés devant la Mare à la Fiancée la nuit de Noël. Une forme blanche, qui gémit et soupire, apparaît tous les ans derrière les roseaux.
 
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V
 
Ce qui prouve, dit en terminant le père Sanglé, qu’on ne doit point aller distrait dans la maison du bon Dieu, pour y rire et causer. D’un autre côté, le doigt de la Providence est bien visible dans tout cela : la sainte Vierge n’a pas voulu que son alouette fût mangée par le chat-huant. Vous comprenez bien qu’elle n’aurait pas permis qu’une jeunesse sage et pieuse devînt la ménagère d’un réprouvé comme Jean Jumel.
Sa vengeance ne s’est point bornée là ; le vaurien reprit bientôt ses habitudes de débauche et recommença à passer ses nuits à Bout-de-Lande. Il en sortait presque toujours ivre, au point qu’un matin il se trompa de route pour rentrer chez lui. Au lieu de venir de ce côté-ci, il s’en alla du côté de Nantes.
La neige était depuis plus de dix jours sur la terre. Les animaux des bois rôdaient jusqu’auprès des maisons.
Arrivé sur les landes de Moréans, comme le jour commençait à poindre, il reconnut qu’il s’était trompé de chemin et voulut retourner sur ses pas ; mais il n’était plus temps, l’heure de la justice céleste avait sonné pour lui.
Depuis plus d’une demi-heure, trois grands loups, qui le suivaient pas à pas, se jetèrent sur lui quand il s’arrêta et n’en firent qu’une bouchée (sic).
Enfin, l’été suivant, la foudre tomba sur la tanière du vieux sorcier, qui fut enseveli sous les décombres.
 
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(Adolphe Orain - La semaine des enfants - n°1028 & 1029 - août 1869)
II
 
« Ce n’est point un conte que je vais vous faire, commença-t-il, c’est une histoire véridique que je tiens de mon grand-père, qui était chantre à l’église de Saint-Erblon, et qui savait lire dans tous les livres pieux et autres.
 
Or donc, longtemps avant que le grand chemin de Rennes à Nantes fût fait, vivait, à la ferme des Noyers, en Orgères, une jeunesse d’une rare beauté, qui croyait en Dieu et qui secourait son prochain. Ses gens, qu’elle affectionnait comme tout enfant doit le faire, comme de juste, l’aimaient au point de ne jamais rien entreprendre sans la consulter. Du reste, il faut l’avouer, elle était sage et entendue pour son âge, car elle comptait à peine dix-sept ans quand on lui proposa de s’établir.
Fraîche comme la fleur dont elle portait le nom, Rose Landelle n’était cependant point vaine de sa personne et ne faisait les yeux doux à aucun, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir un grand nombre d’amoureux. Les galants venaient de plus de dix lieues à la ronde, tant la réputation de la fillette s’étendait au loin.
Cependant, continua le père Sanglé, il y avait un des amoureux qui était plus assidu et mieux accueilli que les autres. Il était du bourg de Chanteloup et s’appelait Pierre Sauvage. C’était un bon jeune gars, courageux et bon chrétien, avec cela doux comme une brebis. De plus, il avait un bon petit fait au soleil, ce qui ne déplaisait pas au père et à la mère de Rose.
Celle-ci ne disait ni oui, ni non, mais ne semblait point pressée de prendre un maître.
Pierre, cependant, ne désespérait pas de se faire aimer.
« Puisqu’on me laisse revenir, pensait-il, et qu’on renvoie les autres, toute chance de succès n’est pas perdue. »
Le malheureux était loin de se douter de tout ce que lui réservait la Providence, pour l’éprouver, sans nul doute.
Il y avait alors à Pont-Péan un grand vaurien appelé Jean Jumel, qui était contremaître à la mine, et qui gagnait de bon argent.
C’était un cadet muscadin, bien façonné et point innocent. Il savait tourner un compliment, chanter des chansons et en inventer même au besoin. C’était en un mot le béguin, la coqueluche du canton.
Ce mauvais sujet passait les soirées et presque les nuits entières dans un cabaret mal famé, situé au haut de la côte au bout de la lande, où tous les garnements se donnaient rendez-vous. Ce bouge affreux était tenu par un vieillard du nom de Jérôme.
Certains bruits couraient que de riches colporteurs, entrés pour passer la nuit dans cette auberge, n’en étaient jamais ressortis. Ce qui le fait bien supposer, c’est que l’on a trouvé, en défrichant la prée derrière la maison, un grand nombre de squelettes humains, il n’y a pas beaucoup plus de vingt ans. Mais, comme la police était mal faite dans ce temps-là, et que la maréchaussée allait elle-même se divertir dans ce mauvais lieu, on ne songeait point à inquiéter le bonhomme.
Ce dernier était d’ailleurs un maître fripon, un fin voleur, s’en allant la nuit par bois et chemins. L’on n’osait rien dire, bien qu’on le surprît souvent à serrer le bien d’autrui, parce qu’il était méchant et malicieux, et qu’il avait bientôt jeté des sorts à ceux qui le contrariaient. À preuve que la maison de Julien Ballard, le cantonnier, qui l’avait menacé de le dénoncer à la justice, fut bouleversée par des rats inconnus jusque-là. Ces animaux rongèrent tout ce qu’il y avait, et si Ballard n’avait décampé au plus vite, c’en était fait de l’homme, il était mangé à son tour.
Et Jacques Tardif donc, qui avait le corps couvert de petites bêtes dévorantes, pour lui avoir jeté des pierres une nuit qu’il le vit dans son courtil à déraciner des pommes de terre. C’est encore un fait certain et avéré, pourtant, qu’il ne put s’en défaire qu’en allant porter deux écus de trois livres au vieux Jérôme, qui dit des paroles dont auxquelles il n’y comprit goutte, et l’envoya avant le soleil levé au bord de la rivière, battre sa chemise pendant une heure avec une branche d’épine noire. Après cela, ce fut fini, il ne fut plus jamais inquiété.
Je vous citerais bien d’autres faits du vieux sorcier, si je vous racontais son histoire ; mais c’est celle de la Rose et non la sienne qui nous occupe présentement.
Donc, pour en revenir à Jean Jumel, ne s’avisa-t-il pas de dire à ses camarades de débauche qu’il avait envie d’épouser la belle Landelle. Les autres se moquèrent de lui, mais huit jours après ils furent bien penauds, quand ils apprirent que les accordailles avaient lieu.
Voici ce qui était arrivé :
Le pas grand’chose s’était rendu à la ferme des Noyers, beau comme un soleil. Il avait mis, l’astucieux serpent, son pantalon de futaine et son touron de castorine, qui faisaient valoir ses avantages physiques, et, dans quelques heures, avec son air guilleret, il entra plus avant dans le cœur de l’innocente que le pauvre malheureux Pierre depuis qu’il y venait.
Rose n’écouta ni les avis ni les conseils de personne, pas même les remontrances des siens, qui voyaient dans l’avenir de gros nuages noirs pour leur enfant. Elle était ensorcelée par ce luron, qui lui promettait monts et merveilles, c’est-à-dire plus de beurre que de pain, et qui l’endormait par ses paroles attifées et ses chansons ramageuses. Il fit tant et si bien que Pierre fut prié de rester chez lui, et qu’on tua un cochon gras pour célébrer les fiançailles, où tous les fermiers des environs furent invités.
Les personnes raisonnables et sensées la plaignaient entre elles parce qu’elle était aimée ; mais les jeunes filles enviaient son sort.
Pierre Sauvage se retira sans plaintes et sans murmures. Il voulut quitter honnêtement et respectueusement des gens qui l’avaient bien accueilli chez eux, et surtout ne pas laisser paraître sa peine devant un rival ; mais il ne fut pas hors de la maison que son pauvre cœur déborda de larmes. Il marchait au hasard, sans but, sans idée, abîmé dans sa douleur. Il s’arrêta bientôt pour jeter un dernier regard sur cette maison où il ne devait plus rentrer. Oh ! c’en fut trop ! ses jambes se dérobèrent sous lui, et il se laissa choir sur la bruyère, suffoqué par le chagrin.
Était-ce possible ? Qu’allaient devenir ses beaux rêves, ses riants projets d’avenir, ses douces espérances ? Tout son bonheur s’en allait à la fois. C’était sa vie que Jean Jumel était venu lui disputer.
Avoir depuis des années caressé l’espoir de devenir un jour l’époux de la meilleure fille du pays ; être sur le point d’atteindre le but, et voir son bonheur disparaître au souffle d’un mauvais sujet !
« O ciel ! s’écria-t-il, quel destin cruel me poursuit ! C’est à devenir fou de douleur, c’est à mourir de dépit !»
Toute la nuitée, il erra dans les champs et les chemins sans chercher un gîte, bien qu’on fût au mois de novembre et que la glace rompît sous ses pieds.
À l’aube, il reprit le chemin de sa demeure et ne reparut plus à la ferme des Noyers, où, pendant ce temps-là, l’on riait et chantait.
 
*  *
*
I
 
Un soir d’hiver, à deux lieues et demie de Rennes, sur la route de Nantes, en revenant de visiter la mine d’argent de Pont-Péan, je fus surpris par une pluie torrentielle qui m’obligea à chercher un abri. Comme j’allais atteindre les premières maisons du village de la Chaussairie, qui se trouve aligné des deux côtés de la grand’route, je ne tardai pas à apercevoir une branche de buis sur le haut d’une porte. À cette enseigne, je reconnus facilement un cabaret, et m’approchant, je vis en effet écrit sur le mur :
 
À L'ESPÉRANCE,
On boit et on mange.
 
J’entrai aussitôt.
À la lueur fumeuse d’une chandelle fétide, je vis quatre buveurs autour d’une table, en train de savourer le picton du pays. Près du feu un petit tailleur, assis sur un escabeau, cousait un vêtement, et deux bambins se roulaient dans les cendres du foyer, en tirant de temps en temps les oreilles et la queue d’un chat maigre qui s’obstinait à garder sa place.
Ma présence ne sembla déranger personne. Je pris un siège et m’assis près du feu.
À en juger par leur conversation, mes voisins devaient être chaufourniers ; ils se plaignaient amèrement de la modicité des prix de journées, et du vilain temps qui les empêchait souvent de travailler. Dans ce pays, du reste, tout le monde est chaufournier, mineur ou potier. Ce sont les seules industries de la contrée. Au bout d’un instant, la porte s’ouvrit tout à coup, et un grand gaillard, à figure joviale, parut sur le seuil.
« Tiens, dit-il, je m’en doutais, les camarades sont là, et je viens trinquer avec eux. »
Puis, avisant le petit tailleur, il s’écria :
« Est-ce possible ! je n’ose en croire mes yeux. Le père Sanglé en chair et en os. D’où s’arrache-t-il ? Je ne l’ai pas vu depuis près de vingt ans, et je le reconnais tout de suite. Dame ! ce n’est pas étonnant, au surplus, il m’amusait tant lorsque j’étais petit, avec ses contes de revenants qui m’empêchaient de dormir. A-t-il dû en apprendre dans ses voyages ! Mais, c’est égal, s’il veut m’en raconter un, je choisirai encore, comme autrefois, la Mare à la Fiancée. »
Le tailleur, que ce flux de paroles fit sourire, leva la tête et dit :
« Moi, grand bavard, je te reconnaissais à la voix. Je n’ai pas besoin de mettre mes lunettes pour cela. Tu ne changeras donc jamais ? Le grand Michel sera toujours un braillard et un hâbleur ; mais, cependant, si la tête est folle, le cœur est bon. »
Ce dialogue échangé, ils se serrèrent cordialement la main et rapprochèrent leurs chaises du feu.
Le tailleur, questionné sur sa longue absence, nous apprit que la manie des voyages s’était emparée de lui, et, qu’afin de la satisfaire, il était parti un beau matin pour aller apprendre, dans le fond du pays d’Armor, les légendes qu’on lui avait tant vantées.
« Je reviens, ajouta-t-il, bien désenchanté, mes bons amis ; leurs histoires peuvent être plus belles que les nôtres, mais je n’y crois point. D’abord, ils les racontent dans une langue que je n’ai pas pu comprendre, et ils se refusent à les traduire, parce qu’elles perdraient toutes leurs beautés.
« Menteries que tout cela ! Si elles étaient vraiment si charmantes, ils pourraient les dire dans toutes les langues, et surtout en français. »
Les heures s’écoulaient ainsi, la pluie tombait toujours, et la conversation de mes deux voisins ne tarissait pas.
Le grand Michel avait parlé de la légende de la Mare à la Fiancée, et j’étais bien décidé à ne pas partir avant de l’avoir entendue. Or, j’offris un pichet de cidre à la société, sûr moyen d’être bien accueilli, et je priai le tailleur de nous la raconter.
Le père Sanglé se fit bien un peu tirer l’oreille, mais le grand Michel aidant, nous parvînmes à le décider.
 
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Route de Nantes à Rennes : la côte de la Chaussairie.
À l'Espérance
La messe de minuit
L'heure de la justice
Le drame
La meilleure fille du pays

La Mare à la Fiancée

Le récit du père Sanglé
 

Au mois d'août 1869, Adolphe Orain publie dans La semaine des enfants un conte qu'il intitule La Mare à la Fiancée.
 
L'histoire de Rose Landelle est racontée par un tailleur, le père Sanglé, dans un cabaret de la Chaussairie. Elle se déroule au XVIIIe siècle, à une époque où la route de Nantes à Rennes n'était encore qu'un "vilain petit chemin creux" et où les loups venaient rôder près des maisons les jours de grand froid.