Version "papier" de cet article dans le bulletin municipal de Pont-Péan de septembre-octobre 2012.
En février 1944, Georges Beauplet prend part à l'organisation d'un groupe FTPF à Crévin. Le 16 juillet, alors que les troupes alliées piétinent encore en Normandie, Radio Londres diffuse ce message codé : "L'enfant aux yeux bleus pleure, trois fois". C'est le signal d'un parachutage à Pléchâtel. Vers 23 h, trois avions anglais larguent une dizaine de tonnes d'armes et de munitions sur les landes de Bagaron. En attendant leur distribution, les armes sont transportées dans des fermes, à Crévin et Bourg-des-Comptes, et dans la classe de Georges Beauplet qui les dissimule sous l'estrade. Grâce à cet armement renforcé, les groupes locaux de résistance peuvent alors amplifier leur action et assurer leur mission de sabotage du matériel ennemi et de harcèlement de l'occupant, jusqu'à la Libération… Le 3 août, les troupes américaines du général John Wood entrent à Bain-de-Bretagne.
"Jeune homme animé d'un patriotisme fervent et très courageux", Georges Beauplet sera décoré de la Croix de Guerre avec étoile de bronze en 1945, puis de la médaille de la Résistance française en 1947.
Le résistant
L'activité de Georges Beauplet à Crévin ne se limite pas à l'enseignement. Il est aussi secrétaire de mairie et, sous l'Occupation, il fournit de faux papiers, cartes d'identité et d'alimentation aux maquisards ou réfractaires. En août 1943, il décide de rejoindre un groupe de résistance armée et prend contact avec les Francs-Tireurs et Partisans Français de Bain-de-Bretagne, les FTPF, une formation de combat d'obédience communiste. Il participe alors aux opérations de sabotage et aux attaques de convois sur les routes du sud de l'Ille-et-Vilaine. De nombreux camions sont détruits, des armes récupérées, des soldats et officiers allemands neutralisés.
Une "activité bourdonnante" règne dans la classe de Georges Beauplet durant les quatorze années qu'il passe à Pont-Péan. Ses méthodes sont basées sur les techniques novatrices de Célestin Freinet, un pédagogue qu'il rencontre à plusieurs reprises lors de congrès. Il met en place la boîte aux questions et les conférences d'élèves, utilisant largement les publications de la "Bibliothèque de travail", plus communément appelée BT, une revue documentaire pour le travail libre des enfants. L'achat, par la coopérative scolaire, d'un limographe puis d'une imprimerie permet aux enfants d'écrire, composer et imprimer eux-mêmes un journal, "L'école du bonheur". Dans le cadre des échanges interscolaires, il est envoyé à de nombreux correspondants.
Le directeur d'école
Le lundi 1er octobre 1945, c'est la première rentrée scolaire de la France libérée. Georges Beauplet, qui s'est remarié en août avec Odette Salaün, institutrice, vient d'être nommé directeur de l'école publique de Pont-Péan où il trouve quatre classes surchargées. Il est urgent d'en ouvrir une cinquième, mais l'école manque de locaux et la commune de moyens. En 1946, le maire Joseph Cambert aménage une salle de classe provisoire dans le bâtiment des bureaux de la mine. M. Pillet y enseigne pendant un an, dans de piètres conditions matérielles. Une classe plus fonctionnelle est construite en 1947, avec des matériaux récupérés au camp de Saint-Jacques-de-la-Lande. La charpente provient de baraques allemandes et les planches de caisses ayant contenu des avions. À l'appel de Georges Beauplet, de nombreux parents d'élèves passent alors samedis et dimanches sur le chantier ouvert près des terrains de sports. Ils construisent un bâtiment avec scène, rideau, coulisse et bar, qui va servir à la fois de salle de classe, de réunions et de fêtes. Le 1er octobre 1947, M. Pillet peut enfin occuper le nouveau local. Quelques semaines plus tard, les élections municipales amènent un nouveau maire, Alexandre Gilois, qui déclare aussitôt vouloir "construire une école neuve" à Pont-Péan. Son projet mettra dix ans à aboutir.
Les enfants animent aussi les fêtes de Noël et de fin d'année scolaire, exécutant danses et saynètes. La pédagogie de Georges Beauplet et de son équipe d'enseignants porte ses fruits : aux examens, le premier du canton est souvent un élève de Pont-Péan.
Quand il évoque, en 1987, ces années déjà lointaines, l'ancien maître d'école déclare, avec sans doute un peu d'exagération : "La mise en place de procédés pédagogiques modernes pour l'époque m'a donné les plus belles satisfactions pour un enseignant, le bonheur des enfants qui refusaient les vacances et auraient volontiers passé dix heures par jour à l'école."
Quelques élèves de Georges Beauplet
Georges Beauplet, instituteur public
Georges Beauplet naît à Laval, le 12 septembre 1913. Il n'a pas encore atteint ses cinq ans quand son père "meurt pour la France" à Missy-aux-Bois, le 3 juin 1918, ce qui lui vaut le statut de pupille de la Nation. Ayant choisi de faire carrière dans l'enseignement public, il est affecté comme instituteur à Saint-Georges-de-Reintembault, où il épouse Marguerite Guermond en septembre 1935. Il est ensuite nommé à Crévin, en 1938 [on écrit maintenant Crevin, sans accent].
La situation internationale est alors très tendue et, en août 1939, l'imminence d'une nouvelle guerre contre l'Allemagne ne fait plus de doute. Comme des milliers de réservistes, le soldat de deuxième classe Georges Beauplet est rappelé dès l'annonce du pacte germano-soviétique. Le 18 juin 1940, il est fait prisonnier dans le Loir-et-Cher et interné en Allemagne, au Stalag IX A de Ziegenhain, à 80 km de Kassel. Rapatrié et renvoyé dans ses foyers le 4 août 1941, il réintègre son poste d'instituteur à Crévin. Peu après, le 19 décembre, son épouse Marguerite succombe à une maladie grave.