Au front, les hommes ne sont pas seulement victimes de l'ennemi. Les maladies font aussi des ravages. Deux soldats pont-péannais, Adrien Godet et Alexandre Cornillet meurent ainsi, le premier de la typhoïde en 1915, le second d'une méningite en 1916. Dès 1915, au sortir de l'hiver, il faut assurer une assistance aux militaires tuberculeux avant de les renvoyer dans leurs foyers. Le Conseil Général d'Ille-et-Vilaine établit une liste de bâtiments, communaux ou privés, susceptibles d'accueillir ces "blessés de la tuberculose". Les bâtiments doivent être situés "à la campagne de préférence, dans des sites particulièrement recommandables au point de vue du bon air et du soleil". Dans la trentaine d'immeubles qui pourraient convenir figure "Château Cochard" (du nom de son premier occupant, Ernest Cochard, comptable à la mine), une grande maison bourgeoise d'une capacité de trente lits, voisine de la gare des tramways de Pont-Péan. Finalement, la maison ne sera pas réquisitionnée.
La mobilisation, puis la guerre.
Un grand titre sur cinq colonnes à la une de l'Ouest-Éclair.
Neuville (93) et Mercatel (103), deux villages voisins d'Arras (1).
Vitré, caserne de la Trémoille (70e Régiment d'Infanterie).
La mobilisation générale
Le samedi 1er août 1914, à seize heures trente-cinq, la préfecture d'Ille-et-Vilaine reçoit le télégramme officiel ordonnant la mobilisation de tous les Français soumis aux obligations militaires. Le décret est immédiatement transmis dans les communes, où l'on alerte les populations en faisant sonner le tocsin. Dans chaque mairie, les gendarmes distribuent de grandes affiches blanches ornées de deux drapeaux tricolores, qui sont aussitôt placardées. Elles viennent d'être complétées, à la main, de la date du premier jour de la mobilisation, le dimanche 2 août 1914.
Un bouleversement général
Les hommes s'attroupent pour lire, ou se faire lire, les affiches. Chacun consulte son livret militaire, dans lequel se trouve le fascicule de mobilisation précisant le lieu et le jour auxquels il doit répondre à l'appel. Les réservistes et les territoriaux vont bientôt rejoindre les conscrits des classes 1911, 1912 et 1913, déjà sous les drapeaux. Ils pensent être de retour avant l'hiver, mais la guerre va durer quatre ans et beaucoup n'en reviendront pas.
En quelques jours, de nombreuses familles sont privées de leur chef ou de leur soutien. La campagne perd ses travailleurs en pleine période de moissons et la tâche doit être assurée par les femmes, les personnes âgées et les adolescents. Les entreprises voient partir la plupart de leurs ouvriers et doivent parfois fermer. La situation est encore aggravée par les premières réquisitions de chevaux et de véhicules.
En hâte, la préfecture fait distribuer des secours aux familles et organise un "Office de renseignements" chargé de centraliser les demandes de main-d'œuvre et de diriger vers les campagnes les chômeurs et les étrangers retenus par la guerre dans notre région. Un questionnaire est adressé à cet effet aux maires et aux instituteurs.
"Morts pour la France"
Dès les premiers mois de la guerre, les hommes périssent par milliers. Le 22 août, Jean Lebâcle est le premier des soldats pont-péannais tués sur les champs de bataille de la Grande Guerre. Un manœuvre des usines Delambre, Adrien Rouauld [Rouaud sur les documents militaires], meurt quelques semaines plus tard près d'Arras…
Réserviste de l'armée active, Adrien est rappelé sous les drapeaux par la mobilisation générale du 2 août 1914. Le 3 août, c'est la guerre. Le 19 août, Adrien se présente au 41e Régiment d'Infanterie de Rennes, caserne Saint-Georges. Le 1er septembre, il est affecté au 25e Régiment d'Infanterie de Cherbourg qui vient de perdre mille quatre cent soixante-dix hommes dans la seule journée du 22 août et qui attend du renfort. Il part pour le front le 18 septembre, au moment où les troupes françaises tentent d'enrayer la progression allemande qui menace Arras. Le 2 octobre, le 25e RI entre en contact avec l'ennemi aux environs de Mercatel. Adrien Rouauld est mortellement blessé. Sa guerre n'aura duré que deux semaines. Un autre soldat pont-péannais, Jules Vaillant, sera tué deux jours plus tard à Neuville-Vitasse, à deux kilomètres de là.
Adrien Rouauld et Jules Vaillant seront officiellement déclarés "Morts pour la France" (une mention instituée par la loi du 2 juillet 1915), tout comme Adrien Godet, Alexandre Cornillet, Jean Lebâcle… et tant d'autres.
Adrien Ange Marie Rouauld naît à la Galasière le 23 janvier 1881. Il est le deuxième enfant de Jean Baptiste Rouauld, ouvrier mineur alors âgé de trente-et-un ans et de Jeanne Marie Sauguéret, journalière âgée de vingt-sept ans. Son frère aîné, Pierre Marie est né en 1876, à une époque où les parents étaient encore cultivateurs à la Galasière. Après la naissance d'Adrien, la famille déménage pour s'installer plus près de la mine, à la Cave Donjean. Un troisième enfant naît en 1888. C'est une fille, prénommée Alexandrine.
En 1902, quand il part effectuer son service militaire, Adrien est cultivateur. Mais il a aussi travaillé à la mine, où son père est pompier (machiniste qui fait fonctionner les pompes du fond) et son frère boiseur (ouvrier mineur chargé du boisage des galeries).
Adrien est incorporé au 70e Régiment d'Infanterie de Vitré, comme appelé pour trois ans. Trois ans au cours desquels sa famille est endeuillée par la mort du père. Jean Baptiste Rouauld décède le 2 mars 1904, à cinquante-cinq ans. Nouveau coup dur un mois plus tard. La mine de Pont-Péan est inondée et les mineurs sont au chômage. Pierre part pour Le Genest, en Mayenne, où il a trouvé un nouvel emploi aux mines de La Lucette. En septembre 1905, à l'issue de son service militaire, Adrien revient vivre à la Cave Donjean. Il est alors embauché comme manœuvre aux usines Delambre. Il épouse la fille d'un ancien mineur, Armandine Renaud, et le 19 juin 1912 une fille prénommée Madeleine naît de leur union. Le malheur frappe à nouveau en 1913. Revenu du Genest en juillet, Pierre meurt le 15 août.
Le temps des réquisitions
La mobilisation s'accompagne de réquisitions qui frappent d'abord les fermes, l'armée ayant besoin de chevaux et de produits agricoles. Des usines sont aussi réquisitionnées. À Pont-Péan, celle des frères Delambre doit fournir l'arsenal de Rennes en acide sulfurique. Mais une partie de ses ouvriers a été mobilisée et l'usine manque de personnel. Une trentaine de prisonniers allemands vont bientôt venir y travailler.
Le premier convoi de soldats blessés arrive en gare de Rennes le 13 août 1914. Les trains sanitaires deviennent ensuite si nombreux que les grands hôpitaux ne peuvent plus prendre en charge tous les blessés rapatriés du front. Pour les soigner, le préfet doit réquisitionner de nouveaux locaux. Les inventaires "1914-1918" du Service des Archives médicales et hospitalières des Armées (S.A.M.H.A.) ne mentionnent pas de formation sanitaire sur la commune de Saint-Erblon. La structure la plus proche est l'hôpital complémentaire n° 51, aménagé dans les écoles de Bruz, qui fonctionne à partir du 1er octobre 1914, avec une capacité d'accueil de cent lits.
Marguerite Delambre, la fille aînée du directeur de l'usine de Pont-Péan, a 23 ans en 1914. À l'instar de nombreuses autres femmes, elle se porte volontaire pour s'occuper des blessés et rejoint les rangs des infirmières bénévoles. Elle est affectée à l'École des Beaux-Arts de Rennes, qui avait d'abord été réquisitionnée comme hôpital complémentaire avant de devenir dépôt de convalescents après le 28 janvier 1915.