Pierre-Charles Laurent de Villedeuil (1742-1828)
Pierre-Charles Laurent, qui contresigne l'ordre de libération des douze députés bretons, est le fils de Pierre-Joseph Laurent, l'hydraulicien qui avait œuvré à Pont-Péan plus de trente ans auparavant. Il a été nommé secrétaire d'État le 25 juillet 1788 et promu au rang de conseiller d'État le 30 août.
Hostile à la convocation des États généraux, il démissionnera et émigrera en Angleterre en 1789, avec son épouse et ses enfants. Il en reviendra en 1792, puis partira en Écosse après la mort de Louis XVI. Il ne rentrera définitivement en France qu'en 1814, après la première abdication de Napoléon Ier.
La confiscation de la part du chevalier de Guer est un tracas supplémentaire pour les "intéressés dans l'affaire des mines de Pont-Péan", qui doivent déjà faire face à des difficultés techniques, financières et politiques. Dès 1792 les machines hydrauliques assurant l'épuisement de la mine ont atteint leurs limites et les travaux profonds sont noyés quatre ou cinq mois par an. Pour extraire encore du minerai, les ouvriers doivent alors se rapprocher de la surface, où le filon est beaucoup moins riche. Il faudrait recourir à une machine à vapeur, mais elle ne pourrait être importée que d'Angleterre et la guerre va l'en empêcher.
À partir d'octobre 1793, la mine doit être gardée par la troupe en raison de l'inquiétude provoquée par le développement de la chouannerie dans la campagne environnante. De plus, les réquisitions révolutionnaires auxquelles est soumis le pays entravent l'approvisionnement de la mine en produits servant à son fonctionnement. Il devient difficile, voire impossible, de se procurer fer, cuir, charbon de bois, graisse et même la chandelle nécessaire à l'éclairage. Le gouvernement réquisitionne aussi le plomb de Pont-Péan pour ses arsenaux de la marine, en fixe lui-même le prix et le paye en assignats dont la valeur ne cesse de se déprécier.
Résignés, les intéressés décident à la fin de l'année 1796 d'abandonner l'exploitation, de renoncer à la concession tout en se réservant la propriété du sol, et de rendre à l'agriculture les terrains sur lesquels avaient été établis des travaux. Ils en font la déclaration au directoire du département qui, après s'y être d'abord opposé, notifie son avis favorable au Ministre de l'Intérieur.
La renonciation à la concession minière est alors acceptée par un arrêté ministériel en date du 9 décembre 1797 [19 frimaire an VI] et les anciens concessionnaires mettent en vente les biens de la Compagnie. Le château de Carcé, siège de la direction, est vendu le 4 avril 1798 [15 germinal an VI] et les terrains de la mine le 30 septembre suivant [9 vendémiaire an VII]. L'étang de Teslé est asséché, la plupart des canaux sont nivelés et le 10 janvier 1801 [20 nivôse an IX] le préfet d'Ille-et-Vilaine, Nicolas-Yves Borie, observe que les acquéreurs de la mine ont déjà détruit et enlevé tous les objets qui servaient à l'exploitation. Les puits sont recouverts de madriers et de terre et il devient dangereux de s'aventurer sur des terrains où les emplacements des excavations sont mal indiqués.
La mine dans la tourmente
En juillet 1790, Julien-Hyacinthe Marnière de Guer rejoint les contre-révolutionnaires du Comité des Princes à Turin. Il fait la campagne de 1792 dans l'armée des émigrés et passe ensuite en Angleterre. Il ne rentrera définitivement en France qu'en 1801, demandant "pour toute faveur la faculté de passer le reste de ses jours sous un gouvernement auquel il s'empresse de vouer soumission et fidélité". L'ancien émigré, qui se dit homme de lettres pour avoir écrit plusieurs mémoires sur la finance et la politique, deviendra directeur des mines de charbon de Montrelais, en Loire-Inférieure [Loire-Atlantique depuis 1957]. Il décèdera à Paris, rue de Beaune, le 27 juin 1816.
Julien-Hyacinthe Marnière, marquis et chevalier de Guer
Le 3 septembre 1792, le nom de Julien-Hyacinthe Marnière de Guer est consigné dans la liste des émigrés d'Ille-et-Vilaine. Dès lors, ses biens vont être soumis à la confiscation. Parmi ceux-ci, une part de 4/22 dans les mines de Pont-Péan qui devient "part de la Nation". Pour l'évaluer, un inventaire de la mine est dressé à l'automne 1796. La part du marquis est alors acquise, le 10 février 1797 [22 pluviôse an V], par Claude-Thibault Sautereau, à qui la compagnie minière avait donné procuration en février 1795.
Né à Rennes le 25 mars 1748, le chevalier de Guer avait activement participé, avant la Révolution, au combat soutenu par les États de Bretagne pour le maintien des privilèges de la province. Le 14 juillet 1788, il avait été l'un des douze députés de la noblesse bretonne emprisonnés à la Bastille, tous libérés le 12 septembre suivant sur un ordre contresigné Pierre-Charles Laurent, marquis de Villedeuil.