Les sacs, en toile de jute, sont fournis par la société Louis Delmasure, de Saint-Malo. Ils sont stockés, avec l'huile et le pétrole, dans l'ancien bâtiment des bureaux de la mine.
Les installations fonctionnent grâce à deux types d'énergie : l'électricité et la vapeur. L'eau nécessaire à l'alimentation des chaudières est puisée dans la Seiche en amont du moulin de Carcé, près de la digue séparant l'ancien et le nouveau lit de la rivière. En 1914, deux machines à vapeur sont remplacées par des moteurs à gaz pauvre. À proximité des usines, se trouvent un atelier de constructions mécaniques ainsi que divers bâtiments faisant office de laboratoire, de magasins et de bureaux.
Une concurrence insurmontable
La Compagnie bordelaise des produits chimiques, une importante société productrice d'engrais phosphatés, implante en 1926 une usine à Indre, près de Nantes. "La Bordelaise" distribue bientôt ses produits, à prix cassés, dans toute la Bretagne. Les entreprises de taille moyenne, comme celle des Delambre, supportent mal la concurrence.
À ces difficultés commerciales s'ajoute une pénurie croissante de main-d'œuvre. Près de la gare de Bruz, le grand bâtiment où sont stockés les sacs d'engrais est contigu aux ateliers de Louis Grandury, spécialisés dans la réparation de wagons de chemin de fer. Les Ateliers de Bruz emploient déjà plus de quatre cents personnes et continuent à embaucher. Il devient de plus en plus difficile de garder le personnel à Pont-Péan.
Léon Delambre s'apprête à vendre ses usines à un consortium de producteurs de superphosphates qui lui a fait une proposition intéressante quand se présente opportunément un certain Jean Dufourg. Il a, dit-il, l'intention de relancer les mines de Pont-Péan et veut en racheter les terrains et bâtiments industriels. La vente a lieu le 6 juillet 1928.
Le personnel
L'activité se maintient pendant une quinzaine d'années, avec un important fléchissement estival. L'été, c'est la période de la "métive", c'est-à-dire le temps de la moisson et des battages. Durant deux mois, les hommes partent travailler dans les fermes et le personnel passe alors d'une centaine d'ouvriers à une vingtaine.
En 1914, les usines sont réquisitionnées pour fournir à l'arsenal de Rennes l'acide sulfurique nécessaire à la fabrication des explosifs. Mais la mobilisation a réduit le personnel et les usines manquent d'ouvriers. Une trentaine de prisonniers allemands viennent alors travailler aux usines de Pont-Péan.
En 1921, la société emploie environ soixante-dix personnes, domicilées à Saint-Erblon, Bruz et Laillé. Les deux tiers habitent à Pont-Péan. Le personnel est essentiellement masculin. Les seules femmes sont une employée de bureau, Suzanne Ménager, une secrétaire, Clotilde Levallois, et deux journalières, Catherine Riou et Philomène Desdouetz, probablement affectées au raccommodage des sacs en toile de jute.
• Dans une seconde usine, les phosphates broyés sont soumis à l'action de l'acide sulfurique. Les vapeurs s'échappent par deux grandes cheminées. Les superphosphates sont ensuite conditionnés en sacs de 100 kg. L'usine peut en produire 80.000 par an.
Dans les fours Malétra, les pyrites sont étendues sur des dalles minces, superposées en chicane, offrant ainsi une grande surface de contact à l'air nécessaire au grillage. Le gaz sulfureux qui se dégage est dépoussiéré et envoyé dans une tour de Glover où il est mis en contact avec des produits nitreux. L'acide sulfurique s'y concentre. Les gaz refroidis passent ensuite dans de grandes chambres aux parois garnies de lames de plomb, où se condense un acide dilué. À la sortie des chambres de plomb, les gaz sont conduits dans une tour de Gay-Lussac : les produits nitreux y sont récupérés, puis renvoyés dans la tour de Glover.
Les usines de Pont-Péan.
• L'usine d'acide sulfurique comprend deux grands bâtiments : celui des fours et celui des chambres de plomb. Douze fours Malétra servent à griller les pyrites pour obtenir du gaz sulfureux. Ils ne doivent jamais s'éteindre et fonctionnent jour et nuit, sept jours sur sept.
Les cargos sont déchargés à Nantes, parfois à Saint-Nazaire. Les matières premières sont ensuite transportées par voie fluviale ou ferrée. Un chaland, la "Marie-Louise", amène le phosphate jusqu'au port de Carcé, sur la Seiche. Une voie ferrée relie les usines à l'embarcadère où les bateaux sont chargés et déchargés à l'aide d'une installation à vapeur. Un remorqueur et un bateau allège aident les chalands à manœuvrer. Mais le canal est peu profond et envasé. Le transport fluvial est vite abandonné, au profit du rail. Au bout de deux ans les usines sont raccordées à la gare de Bruz.
Pyrites espagnoles et phosphate tunisien.
Trois sulfures sont présents dans les minerais de Pont-Péan : le sulfure de plomb, ou galène, le sulfure de zinc, ou blende, et le sulfure de fer, ou pyrite. La société utilise pourtant d'autres pyrites, en provenance du sud de l'Espagne. Elles sont extraites des mines de cuivre de Rio Tinto et embarquées au port de Huelva.
Le phosphate vient des mines de Gafsa, en Tunisie. Il est chargé à bord de cargos au port de Sfax.
Une industrie consommatrice d'acide sulfurique.
Pour leur croissance, les plantes ont besoin d'éléments minéraux. L'un d'eux, le phosphate de chaux naturel, insoluble dans l'eau, n'est assimilé que très lentement par les végétaux. Pour augmenter la rapidité de cette assimilation, on utilise de l'acide sulfurique, qui transforme le phosphate insoluble en phosphate soluble. Le produit obtenu est connu en agriculture sous le nom de superphosphate. Une usine d'engrais chimiques est une grande consommatrice d'acide sulfurique : pour obtenir 100 kg de superphosphate, il faut environ 56 kg de phosphate et 50 kg d'acide sulfurique.
L'acide utilisé à Pont-Péan est produit sur place, grâce au grillage de pyrites et à la technique des chambres de plomb.
La préparation du superphosphate
Du gravier pour les routes
Durant quelques années, la société commercialise le gravier de la mine. Il y a dans les résidus miniers un stock de gravillons mêlés à de l'argile, d'une trop faible teneur en minerai pour être exploitables. Associés à du bitume, ils font un bon revêtement pour les routes. Les Ponts et Chaussées d'Ille-et-Vilaine et des départements voisins en sont les principaux acheteurs. Cette activité prend bientôt fin, quand de plus gros cailloux sont préférés pour les revêtements. Mais l'entreprise s'est déjà spécialisée dans la fabrication d'acide sulfurique et d'engrais chimiques.