Quand le duc de Bourbon lui accorde la concession des mines de Bretagne (à l'exclusion de celles de la région de Carhaix), Noël Danycan attend ce privilège depuis plus de deux ans. Le 28 novembre 1727, l'armateur malouin avait déjà constitué une société, la Compagnie des Mines de Bretagne, disposant d'un capital de 60.000 livres. En 1730, cette somme est jugée insuffisante, car la concession des mines du Bourbonnais s'est ajoutée à celle des mines de Bretagne. La société est donc remaniée, le 12 mars 1730, afin d'obtenir de nouvelles ressources. Les travaux commencent aussitôt au Paty du Bois (aujourd'hui le Luzard), "à un demi-quart de lieue du pont péan", où le filon affleure à une quarantaine de mètres de la Seiche. Une grande excavation y est ouverte pour extraire le minerai de plomb, la galène. La concession est confirmée par un arrêt royal du 22 mai 1731.
Un généreux créancier de Louis XIV ?
Dans sa "Biographie bretonne", Prosper Levot (1801-1878) met en exergue ce qu'il appelle le rare désintéressement de Noël Danycan : "Lorsqu'en 1709, plusieurs négociants, capitalistes ou armateurs, firent à Louis XIV un prêt de trente millions, qui sauva l'État d'une ruine imminente, Danycan y contribua à lui seul pour quatorze millions. Quelques années après, il fit au trésor national l'abandon gratuit et spontané d'une partie de sa créance". Mais c'est aussi en cette année 1709, le 5 avril, que Charles de Clairambault, commissaire ordonnateur de la marine à Lorient et Port-Louis, est informé que Noël Danycan conduit lui-même, clandestinement, une voiture chargée de plus de deux millions de piastres rapportées de la Mer du Sud et débarquées en fraude… Selon l'historien Henri Sée (1864-1936), on a prétendu à tort que Noël Danycan aurait donné au roi des millions, alors qu'en réalité il aurait plutôt "essayé d'esquiver le plus possible les sommes qu'il devait au Trésor royal". Un autre historien, Erik Wilhem Dahlgren (1848-1934), ajoute même que Noël Danycan se serait personnellement livré à la contrebande et aurait obtenu de "bonnes gratifications pour de prétendues pertes dans la conversion des piastres" de la Mer du Sud.
Noël Danycan de l'Épine, un armateur à l'origine d'une compagnie minière
Des porcelaines armoriées, signes ostentatoires de l'ascension sociale de Noël Danycan.
(Photo communiquée par Patrice Vasson)
Pièces d'un service en porcelaine chinoise d'exportation (ateliers de Jingdezhen) ayant appartenu à Noël Danycan et ornées de ses armes : "D'azur au monde d'or, surmonté d'une étoile d'argent et soutenu d'un vol de même".
Des "porcelaines de la Compagnie des Indes" que l'armateur avait commandées vers 1720-1725, à l'époque de son installation à Paris avec sa seconde épouse, Hélène Victoire Maget.
Le recteur Jambon avait ensuite baptisé, dans les mêmes conditions, deux autres enfants de Noël Danycan : Marie Noëlle Héleine en 1717, puis François Clément en 1719. Le nom de la mère avait toujours été tenu secret, mais l'un des prénoms du deuxième enfant laissait déjà présumer qu'il s'agissait bien d'Hélène Victoire Maget…
Le 8 mai 1735, Noël Danycan meurt subitement d'une attaque d'apoplexie à son domicile parisien de Saint-Nicolas-des-Champs. Cinq ans plus tard, les actionnaires votent la dissolution de la société qu'il avait créée pour exploiter la mine de Pont-Péan. Leur décision est homologuée par un arrêt du 17 juillet 1741. Le 27 août 1745, la concession est adjugée à Maître Roussel, avocat au Conseil du Roi, qui agit pour le compte d'Hélène Victoire Maget. Un arrêt du 25 janvier 1746 vient confirmer l'adjudication. L'ancienne maîtresse de l'armateur va alors diriger personnellement la mine pendant une dizaine d'années.
"À requeste de messire Noël Danycan Conseiller du roy en ses Conseils, maistre en sa chambre des Comptes à Paris, chevallier de l'ordre de sa majesté, de st Michel, je certifie avoir baptisé un enfant qu'il avoüe à luy suivant la missive du 29e may 1716 sans m'avoir nommé la mere dont j'ay demandé le nom au parain et à la maraine et que j'ay sommé de me le dire qui m'ont répondu l'ignorer et l'ont tenu sur les sts fonds Loüis Yvon Sieur du Rocher qui signe et Françoise Busson qui ne signe et lui ont donné le nom d'Allain Noël…"
L'acte de baptême d'Allain Noël Danycan révèle l'embarras du recteur de Bonaban, qui doit se soumettre aux exigences de l'armateur.
La maîtresse de l'armateur
Décédée à soixante et un ans, le 25 octobre 1721, Marguerite Chantoiseau est enterrée le lendemain dans l'église de Saint-Servan. L'année suivante, malgré la vive opposition des enfants nés de son premier lit, Noël Danycan se remarie à Hélène Victoire Maget (il a alors soixante-cinq ans, elle en a vingt-huit) et s'installe avec elle à Paris. La relation entre l'armateur et Hélène Victoire Maget s'était nouée quelques années plus tôt… En 1716, le recteur de Bonaban, Baptiste Jambon, avait dû baptiser un premier enfant illégitime dont Noël Danycan avait déclaré être le père, mais dont le nom de la mère lui avait été caché :
Un directeur choisi dans le cercle familial
Noël Danycan confie l'exploitation de Pont-Péan à un membre de sa famille, Thomas Harrington, sieur de la Corderie. Le premier directeur de la mine est issu d'une famille anglaise tenue pour noble depuis le Xe siècle. Il naît à Saint-Servan le 22 juillet 1696 et grandit dans le milieu maritime malouin. Son père, sieur de la Grandmaison, est armateur et capitaine de navires armés pour la course, comme le Saint-Jacques en 1693 et le Comte de Toulouse en 1696, ou pour le commerce, comme le Royal-Jacques en 1703. Son grand-père paternel, sieur de la Maisonneuve, avait quitté l'Angleterre et s'était établi à Saint-Malo pour y pratiquer le commerce maritime. Il y était considéré comme "Irlandais" et avait épousé, peu après 1650, Catherine Danycan, une tante de Noël.
Noël Danycan commence à naviguer à quinze ans, après des études au collège jésuite de Rennes. Jusqu'à son mariage avec Marguerite Chantoiseau de Presclos, en 1685, il commande des navires de commerce armés par son père. Il s'établit ensuite comme négociant à Saint-Malo. En 1696, il arme six frégates-corsaires pour attaquer les Anglais qui mettent en danger Plaisance, siège principal des pêcheries françaises de Terre-Neuve. En 1698, il fonde la Compagnie de la Mer du Sud et ouvre au commerce français les côtes du Chili et du Pérou, sur l'océan Pacifique. En 1711, il participe à la formation d'une société qui organise l'attaque de Rio de Janeiro avec René Duguay-Trouin. Son activité très lucrative de négociant et d'armateur se poursuit jusqu'à la mort de son épouse en 1721. Possesseur d'une immense fortune, il décide alors d'en placer une partie dans les mines. Quand il obtient la concession des mines de Bretagne et du Bourbonnais, Noël Danycan est déjà âgé de soixante-quatorze ans.
Négociant et armateur
Noël Danycan est baptisé à Saint-Servan le 18 juillet 1656 :
"Noüel Danican, fils Nouel et Jacquemine Corbin sa femme, fut baptizé par moy soubz signé subcuré de céans, le dix huictiesme jour du mois de juillet mil six cent cinquante et six, honorable homme Pierre Adam Sr de la Maisonneufve fut parrain et Servanne Corbin Maraine."
(Transcription d'Aristide Delarose)
À l'ouest de la mine, en direction de Bruz, s'étend une vaste prairie au bout de laquelle se trouvent la maison seigneuriale et le moulin de Carcé. Le 28 novembre 1730, les associés de Noël Danycan obtiennent de leurs propriétaires, Charles François du Pré de Pellan et son épouse Renée Mathurine Le Provost, un bail à ferme pour tout le temps que durera l'exploitation. Le château de Carcé devient alors, moyennant un loyer annuel de cinq cents livres, le premier logement de fonction des directeurs de la mine.
Un château en location
En 1730, trois associés de la
Compagnie des Mines de Bretagne,
François-Antoine Duquesne d'Esneval,
Thomas Harrington de la Corderie
et son frère Julien Harrington du Boschet
négocient avec le seigneur de Carcé
qui consent à leur louer son château.