Le second avant-projet, accepté par l'ABF.
Le premier avant-projet, refusé par l'ABF.
L’inscription a aussi des effets sur les abords du monument. Elle a d'abord entraîné, au titre de la loi du 25 février 1943, une servitude de protection dans un rayon de 500 mètres autour du bâtiment, son "champ de visibilité". Ce rayon a longtemps déterminé le domaine d’intervention de l’architecte des bâtiments de France, l'ABF. Toute construction, restauration, modification ou destruction y était soumise à son accord, au cas par cas.
En 1985, l'instauration de cette servitude avait été froidement accueillie par les propriétaires locaux qui craignaient une dépréciation de leurs biens fonciers situés dans ce périmètre de protection des abords du monument. Depuis, pour être mieux adapté aux réalités du territoire, le périmètre a été modifié à deux reprises, en accord avec l'ABF, en 2013 et surtout en 2019.
Restauration du perron en 2014
Si, en 2012, l'obstruction des ouvertures par du bois et du métal ne relève que d'un souci de protection et de sécurité, la restauration de la double rampe du perron en 2014 peut être perçue comme un modeste début de mise en valeur. Pourtant, à cette époque, le devenir du bâtiment des bureaux est encore incertain, bien qu'il soit reconnu comme l'un des emblèmes d'un passé minier breton. Des études ont bien été réalisées à la demande de chacune des municipalités successives, notamment par le cabinet Harmattan en 2000, par Mérimée Conseil en 2005 et par le cabinet Chabenès & Scott en 2010. Mais aucune n'a déclenché l'émergence d'un projet d'aménagement.
En 2016, le maire Jean-Luc Gaudin confie une nouvelle étude au cabinet lyonnais Médiéval – Agence Française Du Patrimoine. Elle a pour objectif la restauration et l'extension du bâtiment pour y accueillir une médiathèque, un espace alloué à l'histoire communale et des salles associatives. Pour mener à bien le projet, l'agence d'architecture Titan, de Nantes, est choisie en 2018. En mai 2019 le conseil municipal valide l'esquisse présentée par l'agence : pas de "faux vieux" mais le mariage des styles de deux époques, coexistant lisiblement en un même lieu… L'ABF estime que cet avant-projet ne correspond pas aux exigences de la zone et une seconde esquisse doit être proposée. Cette fois l'ABF et la DRAC donnent un avis favorable et une reconversion semble désormais possible.
Le bâtiment des bureaux en 1996.
Une reconversion hypothétique ?
Par mesure de sécurité, le premier maire de Pont-Péan, Pierre Récan, fait poser en 1986 une clôture autour du bâtiment désaffecté et délabré. Les travaux sont à la charge de Mme Picot (1913-1997), propriétaire depuis 1970.
Une nouvelle équipe, conduite par Louis Gauffeny, remporte les élections municipales de 1995 et, après une pré-étude de réhabilitation, la commune achète en 1997 le bâtiment qui menace ruine pour la somme de quatre-vingt mille francs. C'est dans l'urgence que sont effectués, quelques mois plus tard, des travaux de sauvegarde et de sécurité : réfection de la charpente et de la toiture, travaux de maçonnerie. Des velléités de mise en valeur se profilent alors, sans aboutir.
L'historien Jérôme Cucarull, chargé d'études pour le patrimoine industriel auprès du service de l'inventaire général du patrimoine culturel, dénombre un minimum de cinq conditions préalables à une reconversion réussie :
"La réussite d'un programme de valorisation d'un site industriel est une subtile alchimie, une osmose entre
• une prise de conscience patrimoniale,
• une volonté politique,
• une intégration dans un projet de territoire,
• une cohérence scientifique,
• une appropriation locale."
[CUCARULL, Jérôme - De l'approche savante au projet de développement local. Une étude de cas : les fours à chaux de Lormandière (Ille-et-Vilaine) - In Situ, revue des patrimoines, 2007, n°8]
Les effets de l'inscription
La loi du 31 décembre 1913 a prévu deux possibilités de protection : le classement pour les immeubles dont la conservation présente un intérêt public, au point de vue de l’histoire ou de l’art, ou l’inscription pour ceux qui, comme à Pont-Péan, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent un intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour en rendre la préservation désirable.
L'inscription d'un immeuble au titre des monuments historiques entraîne pour ses propriétaires l'obligation de ne procéder à aucune modification sans en avoir avisé les services de l'État. Les travaux ne sont alors autorisés que s'ils ne portent pas atteinte à l'intérêt culturel qui a justifié la protection. Mais, en l'absence de projet de réutilisation, la protection d'un bâtiment au titre des monuments historiques n'en garantit pas la pérennité. Il peut même tomber en ruines si ses propriétaires n'en assurent pas l'entretien, à moins que le maire n'ordonne les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril.
Une planche de salut pour le bâtiment des bureaux
Aux élections municipales de mars 1983, trois listes sont en présence à Saint-Erblon. L'une d'elles, conduite par Pierre Récan, a pour objectif l'établissement du village de Pont-Péan en "commune indépendante". Sur vingt-trois sièges à pourvoir elle en obtient dix-sept. Dès lors, le processus de séparation est engagé et des projets d'aménagement de la future commune apparaissent bientôt. Au conseil municipal les avis sont partagés quant à l'avenir du bâtiment des bureaux de la mine, qui est encore propriété privée. Les uns voudraient garder une trace d'histoire en conservant ce lieu de mémoire ouvrière. Les autres ne voient pas d'intérêt à préserver "une ruine d'un style architectural si commun dans le nord de la France". Un devis, établi en mai 1984 par le cabinet d'architectes Coüasnon & Neveux, évalue le coût de sa sauvegarde, avec mise hors d'eau et hors d'air, à environ un million deux cent mille francs, sans compter les aménagements intérieurs. Sa démolition ne représenterait qu'une dépense de l'ordre de cent mille francs. L'un des conseillers municipaux, Charles Seigneur, constitue alors un dossier de demande de protection qu'il adresse à titre personnel, en avril 1985, à Geneviève Le Louarn, conservatrice régionale des monuments historiques. Le 15 novembre 1985, le bâtiment est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques (on dit, depuis 2005, inscrit au titre des monuments historiques), ce qui va assurer son salut, du moins dans l'immédiat.
Le bâtiment des bureaux,
un lieu de mémoire ouvrière
désormais reconnu comme
l'une des traces emblématiques
d'un passé minier breton,
en attente de valorisation…