Bibliothèque Municipale - Rennes
Lavage et criblage à Pont-Péan
(Détails d'une planche de Christophe-Paul de Robien — 1735)
Il faut encore concentrer le minerai. Des ouvriers chargent les matières déjà lavées dans des cribles, tamis faits de fils de fer ou de laiton, qu'ils agitent méthodiquement dans l'eau d'une cuve. Les particules métallifères se déposent au fond du crible, tandis que la gangue remonte à la surface. Le cribleur peut alors faire le tri. Les matières à traiter sont amenées alternativement des lavoirs aux cribles et des cribles aux lavoirs, jusqu'à ce qu'on ait totalement éliminé les stériles et recueilli le minerai enrichi qui peut alors être porté à la fonderie.
Avant d'être porté aux fourneaux, le minerai doit subir un traitement mécanique pour séparer la matière terreuse ou pierreuse, la gangue stérile, des substances métallifères. Il faut le casser ou le piler, le laver et le concentrer. Cet art de préparer le minerai, la minéralurgie, était déjà connu au XVIe siècle. Les méthodes de préparation ont été décrites par Agricola dans son De Re Metallica, un ouvrage publié en 1556, qui a constitué pendant près de deux siècles une référence pour les mineurs et métallurgistes. Les techniques évoluent au XVIIIe siècle avec la recherche d'une mécanisation plus poussée, mais les principes restent toujours les mêmes.
La machine à laver le minerai qu'Antoine-Joseph Loriot met en place à Pont-Péan effectue à la fois ces deux opérations de lavage et de criblage. Elle consiste en un tonneau en forme de cône tronqué tournant autour de son axe, dans lequel circule un courant d'eau. Le minerai concassé y est introduit et entraîné dans un canal où il est débarrassé de ses impuretés, puis classé selon sa densité et rejeté à l'extérieur par une série d'ouvertures.
À la sortie de la casserie, le minerai riche est directement porté aux "lavoirs anglais", des petits bassins de faible profondeur creusés dans le sol. Par contre, le minerai pierreux doit d'abord être soumis à l'action du bocard, une machine hydraulique qui le pulvérise à l'aide de lourds pilons de bois armés de masses de fer. Un courant d'eau entraîne ensuite le minerai pilé jusqu'aux "lavoirs allemands", de longues tables inclinées à deux rebords.
Les laveurs, ou laveuses, séparent le minerai de plomb des stériles grâce à l'eau coulant dans les lavoirs. Ils y remuent le minerai concassé ou pilé avec une sorte de rateau sans dents, le rouable. L'eau emporte l'argile et les particules pierreuses, ne laissant que le minerai riche, plus dense.
La "machine à laver" d'Antoine-Joseph Loriot sera, elle aussi, approuvée par l'Académie des sciences.
"Nous croyons donc devoir conclure d'après tout ce que nous venons d'exposer, que la machine de M. Loriot est ingénieuse et peut être utile dans l'exploitation des mines de plomb, en supprimant beaucoup d'ouvriers et de machines, et ainsi qu'elle mérite l'approbation de l'académie et d'être insérée dans le recueil de ses machines."
Extrait du procès-verbal de la séance du 5 septembre 1761, rédigé par Jean-Paul Grandjean de Fouchy.
Le minerai est d'abord cassé à la masse, puis au marteau. Dans la casserie d'une mine de plomb, des hommes ou des femmes sont assis devant une grande table bordée d'enclumes ; ils sont quarante à cinquante à Pont-Péan. Ils ont devant eux un tas de minerai qu'ils brisent à l'aide d'un marteau pesant de quatre à cinq livres. Ils trient et déposent ensuite les morceaux dans des caisses placées à leurs pieds. Le travail est lent. De nombreux fragments de minerai sont projetés aux alentours, ce qui entraîne des pertes importantes.
Antoine-Joseph Loriot exécute à Pont-Péan une machine où le minerai est cassé dans l'eau, empêchant ainsi les parties les plus fines de s'échapper. Elle est pourvue de trente-sept marteaux de dix-huit à quarante-neuf livres, disposés circulairement, que deux hommes font lever et retomber sur des enclumes en tournant un levier.
Le 8 juillet 1761, l'Académie royale des sciences approuvera neuf machines présentées par Antoine-Joseph Loriot, dont celle "destinée à casser le minerai dans les mines de plomb".
Un bocard
(Encyclopédie — Volume 25 — 1765)
Le bocard et les lavoirs allemands de Pont-Péan
(Planche de Christophe-Paul de Robien — 1735)
Une casserie au XVIe siècle
(Georg Bauer, dit Agricola — De Re Metallica)
La préparation du minerai
Antoine-Joseph Loriot
(1716-1782)
(Portrait de 1763 par Jean Valade)
© Photo RMN — Gérard Blot
Antoine-Joseph Loriot
La préparation du minerai et sa fusion entraînent des dépenses considérables en main-d'oeuvre et des pertes de minerai. Pour y remédier, François Nugues et Noël-Hélène-François Danycan de l'Épine, un fils de l'armateur, font appel à un "méchanicien, pensionnaire du Roy", le sieur Loriot.
Antoine-Joseph Loriot jouit déjà d'une solide réputation d'inventeur et des faveurs de Louis XV. En 1753, il avait fait part à l'Académie de peinture d'un moyen de fixer le pastel sans en altérer l'éclat. La découverte de ce procédé, faite avec Maurice Quentin de la Tour, le portraitiste du roi, avait contribué à cette notoriété.
Il commence à travailler à la mine en mai 1757 et met rapidement au point une machine qui peut à la fois laver et trier le minerai. Encouragé par ce premier succès, il tente ensuite de moderniser l'ensemble des laveries, mais aussi la fonderie et l'extraction du minerai. Il se heurte alors à une accumulation de difficultés imprévues qui finissent par entraver la bonne marche de l'entreprise.