L'abbé Cadic, instigateur de l'abjuration ?
Quarante-trois ans de service à Poullaouen
Estienne Cadic naît à Guiscriff le 15 mars 1702. Il est ordonné prêtre en 1726 et envoyé en 1728 au petit séminaire de Plouguernével où il passe douze ans. Il devient ensuite recteur de Spézet en 1740, puis de Poullaouen en 1747, paroisse qu'il dessert jusqu'à sa mort, le 10 avril 1790. En janvier 1767, il encourage les femmes qui travaillent à la mine de Poullaouen à se mettre en grève, quand la compagnie veut réduire les salaires. La grève paralyse l'entreprise durant six semaines au bout desquelles la compagnie doit se résoudre à céder aux revendications des ouvrières. L'abbé Cadic a aussi été supérieur des missions de Cornouaille et son évêque, Conen de Saint-Luc, l'a alors qualifié, en 1779, de "grand homme de bien en tout genre".
L'abbé Cadic et François Csernitz
À Poullaouen, c'est Estienne Cadic qui enregistre dans les registres paroissiaux la plupart des actes qui ont jalonné la vie familiale de François Csernitz : mariage, baptême de six de ses enfants et sépulture. Ne l'aurait-il pas aussi incité à faire l'abjuration de sa "fausse religion" pour l'unir au plus vite à sa jeune paroissienne Suzanne Ney, déjà sur le point d'accoucher ? Mais pourquoi venir abjurer à Chartres-de-Bretagne ?
L'épilogue à Poullaouen
Le 10 janvier 1757, à Poullaouen, François Csernitz est à nouveau à l'église, muni d'une copie de sa récente profession de foi. Il y épouse Suzanne Ney, vingt-cinq ans, l'aînée des deux filles de Jean-Georges Ney, un maître-mineur venu d'Alsace. Sur l'acte de mariage, il est fait cette fois mention d'un emploi, depuis environ deux ans, non pas à la mine de Pont-Péan mais à celle de Poullaouen, qui est alors sous contrôle de la grande banque protestante parisienne d'origine genevoise et qui est dirigée par un Saxon nommé König.
Trois semaines plus tard, le 2 février 1757, naît Marie Jeanne Csernitz, le premier enfant du couple. Le nouveau-né est tenu le jour-même sur les fonts baptismaux de l'église de Poullaouen par son parrain, Jean Gaspard Maenel, un mineur originaire de Graslitz, en Bohême.
François Csernitz ne quittera plus Poullaouen où son épouse Suzanne mettra au monde sept autres enfants. Le dernier naîtra le 26 septembre 1775, puis François Csernitz, "machiniste à la mine de Poullaouen", décèdera le 24 novembre suivant. La cérémonie de ses funérailles sera conduite par l'abbé Estienne Cadic, celui qui l'avait marié en 1757. Et le 19 septembre 1781, quand Suzanne Ney convolera en secondes noces avec Antoine Bequet, ce sera encore l'abbé Cadic, alors âgé de soixante-dix-neuf ans, qui célèbrera le mariage.
Le 2 janvier 1757, dans l'église paroissiale de Chartres-de-Bretagne, une cérémonie inhabituelle précède la messe dominicale. François Csernitz, protestant, fait solennellement abjuration de sa religion pour se convertir au catholicisme. Les témoins qui l'assistent sont des cadres de la mine de Pont-Péan. Il y a Joseph de Beaumont, le directeur, Pierre Le Dru de Brehamel, caissier, et le docteur Chéron, chirurgien des mines. Il y a aussi un orfèvre, Hubert Mulkay.
C'est l'abbé Julien-René Jeusset, recteur de Chartres-de-Bretagne, qui reçoit la profession de foi de François Csernitz et qui inscrit l'abjuration dans les registres paroissiaux. Il y mentionne que François Csernitz est né trente-deux ans plus tôt dans une famille luthérienne de Déva, en Transylvanie, une région qui fait alors partie du royaume de Hongrie, et qu'il est "maître-mineur aux mines du Pompéant [sic] près Rennes".
Ouvriers émérites, les maîtres-mineurs font partie de l'élite des techniciens des mines. Il viennent surtout d'Angleterre et d'Europe centrale, sollicités par les compagnies qui leur proposent des salaires substantiels pour les attirer et les retenir. À Pont-Péan, en 1762, le salaire des maîtres-mineurs et des faiseurs de cribles est le double de celui des mineurs et le triple de celui des manœuvres. Seuls le chaînier et les cadres sont mieux rémunérés.
Une abjuration à Chartres-de-Bretagne
Un mineur hongrois en Bretagne