Le bruit des gouttes d'eau
 

"M. Garnier, actuellement directeur des mines de la Touche près Vieuvy, en Ille-et-Vilaine, m'écrit qu'il y a une vingtaine d'années, les ouvriers de Pont-Péan vinrent le prévenir que le Petit Mineur travaillait dans une partie éloignée de la mine, et ils lui recommandèrent de ne pas faire de bruit, afin de pouvoir bien l'entendre. Il entendit en effet de petits coups, et il consulta sa montre pour savoir combien de fois par minute les toc toc se produisaient. En réalité, ce bruit était produit par des gouttelettes tombant dans les schistes à l'avancement du fond de taille."
 
(Paul Sébillot - Les travaux publics et les mines dans les traditions et superstitions de tous les pays - 1894)
Charles Le Goffic
(1863-1932)
Adolphe Orain
(1834-1918)
Paul Sébillot
(1843-1918)
Jean Pierre Cudennec  -  Pont-Péan au fil du temps  -  Tous droits réservés (site déposé auprès de Copyright France)
Gathon, lutin des mines de Cornouailles.
(Gravure de Hablot Knight Browne - 1854)
Adolphe Orain publiera à nouveau la légende du Petit Mineur dans la "Revue de Bretagne, de Vendée & d'Anjou", en 1899, puis dans son livre "Contes de l'Ille-et-Vilaine" en 1901. Il précisera alors qu'il tient cette légende d'Yvon Le Goff, âgé de 48 ans, mineur à la mine de Pont-Péan.
Un gnome espiègle
 

"En France, le Petit Mineur est un gnome aux airs lutins qui fait des niches aux ouvriers, les taquine et les tourmente. Qu'un outil se casse ou se perde, qu'une lampe s'éteigne, qu'un vêtement se déchire, qu'une pierre se détache et vienne leur prouver combien le chapeau de cuir leur est utile, tout cela sera fait par l'espiègle Petit Mineur. (Les Français peints par eux-mêmes, p. 346)."
 

"La croyance à ce lutin, qui n'est pas foncièrement méchant, est encore vivante dans le centre de la France, d'après la communication suivante que je dois à M. Achille Millieu : Il y a un lutin des mines qu'on appelle le Vieux Garçon ou le Petit Mineur. Quand les ouvriers ont quitté les puits, c'est à lui de s'y occuper. Des galeries voisines, on entend le bruit des wagons qui roulent, on les voit même rouler. Il parle, il pousse un cri particulier : Tatata, Tatata… Quelquefois il fait un tel tapage qu'on peut croire que tout est brisé dans la mine. Et lorsqu'on y descend, on ne s'aperçoit d'aucun désordre. (Conté par Paul Thevenet, ouvrier mineur à La Machine (Nièvre) où il est né en 1820.)"
 
(Texte de Paul Sébillot - Revue des traditions populaires - 1887)
L'écho des galeries
 

"Les lutins qui manifestent leur présence par des sons qui ressemblent à ceux produits par le travail des ouvriers se retrouvent à peu près dans toutes les mines. Il est inutile, je pense, de dire que cet esprit est un simple écho ou une résonance que les mineurs expliquent par une intervention surnaturelle."
 

(Texte de Paul Sébillot - Revue des traditions populaires - 1887)
Le lutin de Pont-Péan
 

"Le Petit Mineur est le lutin protecteur des ouvriers de la mine de Pont-Péan qu'il affectionne et qu'il aime. Passant sa vie au milieu d'eux, il surveille, inspecte les travaux, et évite, autant qu'il le peut des malheurs à ses amis. Si un travailleur s'asseoit, un instant, pour se reposer ou pour manger son morceau de pain noir, dans un endroit dangereux, aussitôt le Petit Mineur l'en prévient. Il fait pleuvoir, dru comme grêle, sur la tête de l'ouvrier, de la poussière, des graviers et même des cailloux pour l'obliger à déguerpir au plus vite. D'autres fois, lorsque des terrains doivent s'écrouler sans qu'on s'en doute, ou bien encore quand les échafaudages et les boiselages sont pourris et menacent de s'effondrer, le lutin qui voit tout, qui entend tout, donne l'alarme. Il frappe des coups précipités et distincts aux endroits dangereux ; il imite à s'y méprendre le bruit des craquements souterrains et fait prendre la fuite aux mineurs. Ceux-ci vous affirmeront même qu'ils ont été appelés par leurs noms au moment d'une catastrophe. Les faits sont venus trop souvent, hélas ! confirmer les prédictions du Petit Mineur, et n'ont fait qu'accroître, comme on le pense, son pouvoir surnaturel."
 
"Pendant des manœuvres de pompes, de halage de cages de minerai, au moment où quelque travailleur courait un danger imminent, soit qu'il fût prêt à passer quand la cage descendait dans le puits, soit dans toute autre circonstance périlleuse, on a entendu, soudain, au milieu des ténèbres, et au moment suprême, des commandements étranges qui avaient pour effet de conjurer le danger. Ce danger passé, personne n'avait donné d'ordres ; ce ne pouvait donc être que le Petit Mineur."
 
"Que de fois n'a-t-on pas vu des puits sur le point d'être abandonnés parce que toutes leurs galeries étaient devenues stériles. Les ingénieurs, les directeurs avaient déclaré que toutes les recherches étaient désormais inutiles, qu'il n'y avait plus rien à espérer. Soudain, au milieu du silence profond de ces noirs souterrains, des coups de pioche se faisaient entendre, mais très distinctement, à intervalles réguliers, et, lorsqu'on se dirigeait du côté du bruit, on reconnaissait que la terre avait été fouillée. En creusant le sol à cet endroit, on retrouvait le filon disparu."
 
(Texte d'Adolphe Orain - Mélusine, t. III. col. 469, 1886-87)
La disparition des lutins
 

En août 1899, l'écrivain Charles Le Goffic effectue un voyage de quinze jours au pays de Galles. Il y visite la mine de charbon d'Albion, près du village de Cilfynydd, et s'enquiert des superstitions locales. On lui apprend que les lutins ont longtemps fréquenté les mines galloises, mais qu'ils les ont peu à peu abandonnées.
 

"Le folk-lore minier était particulièrement riche, jadis, dans le pays de Galles. On y croyait aux Coblynau ou Frappeurs, petits êtres invisibles qui, par le moyen de trois coups successifs frappés contre la paroi avertissaient les mineurs de la présence d'un filon. Il y avait des jours, paraît-il, où on les entendait jouer de leurs maillettes par centaines ; mais si le mineur s'arrêtait pour les écouter, les Frappeurs s'arrêtaient aussi, afin de le punir de sa paresse plus encore que de sa curiosité."
 
"Hélas ! les mineurs gallois ne croient plus aux Frappeurs. Un vent de mort a soufflé sur les petits lutins de la mine. Ils se sont évanouis, dissous comme fumée au contact du rigorisme protestant… Les Frappeurs ont-ils été mortifiés par l'incrédulité croissante des ouvriers ? N'avaient-ils plus de filon à leur révéler ? À quelque parti qu'on se range, un fait demeure : c'est que la même croyance était répandue dans tous les pays d'origine celtique et que les Frappeurs étaient connus dans la Cornouaille anglaise comme en Bretagne, du temps qu'on y exploitait les mines argentifères de Pompéan, d'Huelgoat et de Poullaoüen."
 

(Texte de Charles Le Goffic - La Revue hebdomadaire - 1901)
"Les mineurs qui, surtout ceux d'autrefois, étaient des gens presque sans instruction, auxquels les anciennes croyances et les superstitions avaient été transmises dès l'enfance, devaient être amenés à croire que les galeries mystérieuses où se faisait leur travail étaient hantées par des apparitions d'êtres surnaturels."
 

"Les auteurs qui ont relevé les superstitions des mineurs ont donné aux esprits souterrains tantôt le nom de démons, tantôt celui de lutins, sans qu'il soit toujours facile d'en discerner la raison."
 

(Texte de Paul Sébillot - Revue des traditions populaires - 1887)
Un monde propice au fantastique
 

"La demi-nuit est l'état ordinaire dans le monde souterrain où vivent les mineurs. Leurs lampes n'éclairent qu'une faible partie des galeries et font un jeu d'ombre et de lumière qui se prête au fantastique. Les moindres bruits sont répercutés par les sonorités des voûtes et des boyaux qui se croisent, et ils prennent parfois une intensité formidable."

Le Petit Mineur