LE LOURD BILAN HUMAIN DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE… • FRANCE : 7,9 millions de mobilisés - 1,4 million de morts ou disparus - 4,3 millions de blessés • ENSEMBLE DES PAYS BELLIGÉRANTS : 73,8 millions de mobilisés - 9,5 millions de morts ou disparus - 21,2 millions de blessés
Mesdames, Messieurs, mes chers enfants,
À l'instar de beaucoup d'autres municipalités et d'écoles, celles de Saint-Erblon, elles aussi, ont voulu fêter aujourd'hui leurs braves "Poilus". Il n'y a pas de fête, surtout de la nature de celle-ci, sans discours. Ce n'est pas de mon propre mouvement que je viens prendre la parole à cette cérémonie, mais sur l'invitation de M. le Maire et de plusieurs autres personnes auxquelles je n'ai pu résister.
Oui chers Poilus, vous le voyez, notre joie est grande de vous voir revenus parmi nous. Nous vous aimons, nous vous admirons et, me rappelant les célèbres paroles de Napoléon à ses soldats après Austerlitz, laissez-moi vous dire qu'il suffira aussi que chacun de vous dise : "J'étais à la Marne, j'étais sur l'Yser, j'étais à Arras, j'étais en Champagne, j'étais à Verdun, j'étais dans la Somme, etc" pour qu'on dise : C'est un brave !
Mais, hélas, notre joie n'est ni ne pouvait être complète. Combien d'autres braves Poilus saint-erblonnais qui, comme vous, ont contribué à la victoire, ne sont pas revenus et ne reviendront jamais plus.
Où sont nos chers et héroïques camarades… [Pierre Hillion fait l'appel des morts : 58 soldats de la commune]
Oui, Mesdames et Messieurs, oui chers enfants, quelle liste lugubre ! Quelle longue liste d'absents ! 58 concitoyens, 58 camarades que nous ne reverrons jamais plus ! Martyrs de notre sainte cause, martyrs de cette lutte atroce, ils sont comme la rançon de notre triomphe, de notre gloire. Leurs tombes (et ils n'en ont pas tous, hélas) sont disséminées là-bas, de la mer du Nord aux Vosges et jusqu'aux lointains pays d'Orient, dans la montagne, dans la plaine, les bois, les coteaux, dans les vallons ou dans les sables du désert. Salut à eux !
Nous ne voulons pas les oublier, nous ne les oublierons jamais, n'est-ce pas Mesdames et Messieurs, n'est-ce pas chers enfants ? Nous commémorerons pieusement leur souvenir en inscrivant leurs noms à tous d'abord dans notre cœur, puis si possible sur le diplôme très artistique que voici, remis aujourd'hui solennellement à la Mairie et dont d'ailleurs un exemplaire doit être offert le 2 novembre prochain à chacune des familles de soldats morts pour la Patrie.
Et je ne doute pas que, d'autre part, notre municipalité, aidée en cela, s'il le faut, par vous chers Poilus, ne mette sans retard à exécution le projet qu'elle a déjà envisagé de perpétuer plus efficacement encore le souvenir de nos glorieux morts en gravant leurs noms sur une plaque de marbre commémorative à placer soit à l'école, soit à la mairie, soit au cimetière et pour l'établissement de laquelle pas un habitant de Saint-Erblon ne voudrait, j'en suis persuadé, refuser son obole.
Je vous en prie, je vous en conjure, Poilus de Saint-Erblon, aidez-la dans cette œuvre sacrée de reconnaissance envers nos chers disparus, agissez de toutes vos forces pour que ce dernier devoir soit rendu à vos cinquante-huit compagnons d'armes tombés là-bas pour le salut de la Patrie et dont la gloire est inséparable de la vôtre.
Dans l'espoir que vous ne faillirez pas à ce pieux devoir, je crie et prie nos écoliers ici présents de crier avec moi de toute la force de leur voix et de leur âme :
"VIVENT NOS BRAVES POILUS ET HOMMAGE, REGRET ET SOUVENIR ÉTERNELS À NOS GLORIEUX MORTS".
Merci pour avoir rétabli l'honneur de la France tombé si bas à Sedan et de l'avoir replacée pour sa vaillance au premier rang des nations.
Merci de l'honneur que votre vaillance a fait rejaillir sur vos écoles et vos maîtres. Nous sommes fiers de vous.
Grâce à eux, grâce à nos héroïques Poilus, chers écoliers, vous êtes délivrés à jamais de cette mentalité de vaincus qui depuis 1870 pesa sur notre génération à nous, hommes de cinquante ans et plus, et aussi, je l'espère, de ce terrible cauchemar, de cet épouvantable fléau qu'est la guerre.
Criez donc avec moi, chers enfants :
"Vivent nos glorieux Poilus et grand merci à eux".
Au nom de M. le Maire, du Conseil municipal, des écoliers, de leurs maîtres et maîtresses réunis ici pour vous fêter, je vous salue, Messieurs les "Poilus", vous souhaite la bienvenue parmi nous et vous dit un cordial merci.
Merci d'abord de nous avoir donné la victoire par votre courage, votre entrain et votre ténacité pendant cette guerre sans précédent où la justice, le droit, nos libertés et jusqu'à l'existence même de notre patrie étaient en jeu. Merci de vous être montrés les dignes fils de notre héroïque Bretagne, patrie des du Guesclin, des Clisson, des Dugay-Trouin, des La Tour d'Auvergne, des Surcouf et des Cambronne et d'avoir plus que tous autres peut-être, vous soldats bretons, contribué par votre vaillance entêtée à faire restituer à la France cette Alsace-Lorraine, patrie elle aussi de tant de braves, dont notre pays fut amputé en 1871 et qui en est le bras gauche comme notre chère Bretagne en est le bras droit.
Fils moi-même d'ancien militaire de Crimée, neveu d'officier qui inscrivit son nom en lettres d'or dans l'histoire de mon pays par de brillantes actions d'éclat, dont la dernière la veille même de Sedan comme le rapporte Gaston Armelin dans son Livre d'Or de 1870, offert à nos bibliothèques scolaires par le Ministère de l'Instruction Publique, et celà à Beaumont en Argonne où il fut promu officier de la Légion d'Honneur tout jeune encore, mais eut les membres et la carrière brisés. Père de deux Poilus qui, comme vous, Messieurs les Démobilisés, ont combattu, souffert et versé leur sang là-bas pour la défense commune, il ne pouvait me déplaire de venir saluer ici nos héroïques soldats, dont beaucoup d'ailleurs sont mes anciens élèves.
Le discours de Pierre Hillion à la fête des Poilus