15 novembre 1738
Dès que la machine de Claude-Thomas Dupuy est opérationnelle, Antoine de Genssane en informe Mme Dupuy.
Marie-Madeleine Lefouyn
Épouse de Claude-Thomas Dupuy
Au Château de Carcé, ce 15 novembre 1738.
MADAME,
Je suis enfin parvenu à l'heureux moment de vous apprendre la parfaite réussite de la machine : cette nouvelle nous est également sensible par bien des endroits et M. de Villecourt [un des associés de la Compagnie] est convenu lui-même que le produit est un torrent, ce sont ses termes. Voici ce produit. À vingt pieds de profondeur elle a donné, en quatorze minutes de temps, trois cent soixante-douze pieds cubes d'eau ; ce qui revient à un peu plus de trois muids et un quart par minute [environ 880 litres] : ce produit ne paraît pas avoir changé à vingt-trois pieds ou environ. Nous ne l'avons pas descendue encore plus bas à cause d'un accident fort médiocre, qui est arrivé à la soudure de la culotte ; la promptitude de Coussard [le soudeur parisien] nous la cause. Comme elle perdait de l'eau et que nous apercevions que la perte augmentait, nous avons conclu de la changer et j'en fais faire une en soudure forte, qui ne manquera certainement pas : à cela près, tout est au mieux.
Nos Messieurs se sont d'abord effrayés de cette perte, mais l'assurance d'une prompte réparation les a calmés. Nous aurions lieu de nous plaindre un peu d'une incrédulité trop outrée ; mais vous et moi et nos amis, sommes accoutumés à pareils assauts, surtout dans cette affaire.
Que je m'estime heureux, Madame, de pouvoir sacrifier mon travail, mes soins, mes faibles talents, pour soutenir la réputation de celui à qui je dois plus que je ne pensais et pour qui je ne manquerai jamais de reconnaissance ; recevez-en la preuve, par la joie avec laquelle je vous fais mes compliments sur cette réussite.
Lettre d'Antoine de Genssane à Madame Dupuy